Newsletter 104

Juin 2024

(not available in English)

COMMENT OBTENIR UN PRIX NOBEL ?

Christian de Duve est né le 2 octobre 1917 sous un bombardement à Londres. Enfant précoce, il sort de rhéto à l’âge de 16 ans quadrilingue et commence des études de médecine à Louvain. A cette époque, le programme d’études est beaucoup moins lourd et spécialisé qu’aujourd’hui ce qui lui donne le temps de rentrer en 1935 dans un laboratoire de physiologie où l’on étude la régulation du glycose et de l’insuline. Christian de Duve est séduit par ce qu’il appelle « la vraie recherche scientifique pour satisfaire sa curiosité et pas pour gagner de l’argent ».

Son parcours l’emmène ensuite à travailler avec trois futurs prix Nobel. En 1946 il se perfectionne en biochimie enzymatique auprès de Hugo Theorell, futur prix Nobel de Physiologie ou Médecine (1955). Ensuite s’ensuit un séjour de 6 mois à Saint-Louis, USA, dans le laboratoire de Carl Cori et Gerty Cori-Radnitz (co-lauréats Nobel dès 1947 en médecine). Il y collabore aussi avec le jeune Earl W. Sutherland, futur père de l’AMP-cyclique et lauréat du Nobel en 1971. En 1974, Il reçoit le prix Nobel partagé avec Albert Claude et George Palade. La même année, il fonde l’ICP, rebaptisé en 2007 Institut de Duve, qu’il dirige jusqu’en 1991.

A la question posée à Christian de Duve : « Comment obtenir un prix Nobel ? », il répond : « L’art de la recherche scientifique s’apprend dans les laboratoires sous la direction d’un maître et j’ai eu la chance de travailler avec de futurs prix Nobel. Il ne faut pas se lancer dans les sciences pour obtenir un prix mais pour la stimulation et l’enthousiasme de chercher pour mieux comprendre. »

Dans cette newsletter, à l'occasion du 50e anniversaire de l'Institut, nous aimerions vous faire découvrir plus sur la vie et l'œuvre de notre fondateur. Vous pouvez également y lire des travaux récents sur l’endométriose dans le laboratoire de Patrick Henriet et la sphérocytose héréditaire, une maladie des globules rouges, chez Donatienne Tyteca.

Bonne lecture,

Francis & Isabelle

Comprendre les mécanismes à l'origine de l'endométriose

L’endométriose touche près de 10 % des femmes en âge de procréer. La maladie provoque souvent une douleur aiguë dans le bassin, surtout pendant les règles. Certaines femmes éprouvent des difficultés à être enceintes.

Le groupe du Pr Patrick Henriet étudie le cycle menstruel, un processus biologique complexe. En effet, des dysfonctionnements du cycle menstruel peuvent provoquer de l’endométriose. « Pendant les règles, l’endomètre (la couche interne de l’utérus) est en partie détruit. Les débris sont normalement éliminés par le vagin, mais parfois ils vont dans la direction opposée, notamment vers les ovaires. De petits fragments de tissu endométrial se développent en dehors de l'utérus et forment des lésions d’endométriose, ce qui génère des douleurs et peut entraîner une diminution de la fertilité », explique Patrick Henriet.

La destruction menstruelle de l'endomètre est due à des enzymes appelées MMPs (métalloprotéinases matricielles). Cette action des MMPs a été découverte il y a plus de vingt ans à l'Institut de Duve, dans le laboratoire aujourd'hui dirigé par Patrick Henriet. Les MMPs sont des enzymes puissantes et le moment et le lieu de leur activité doivent être strictement régulés. « Il est important d’avoir des MMPs pendant les règles, mais il est tout aussi important qu’elles ne soient pas produites lorsqu’elles ne sont pas nécessaires. Or les lésions d’endométriose produisent des MMPs qui contribuent à aggraver la maladie car elles permettent d’envahir le tissu-hôte », explique le chercheur.

De gauche à droite : Patrick Henriet, Lucie Samain et Adèle Chevalier

Les mécanismes moléculaires impliqués dans la régulation des niveaux de MMPs restent largement méconnus et le groupe de Patrick Henriet tente de combler ces lacunes. Le cycle menstruel est régi par les fluctuations de deux hormones, l'estradiol et la progestérone, qui agissent comme deux chefs d'orchestre. « Mais là où dans un orchestre les musiciens se tournent directement vers le chef d'orchestre, la régulation du cycle menstruel est plus compliquée. Il existe de nombreux relais moléculaires entre les hormones régulatrices et les acteurs du remodelage tissulaire. »

Le groupe de recherche a identifié un certain nombre de molécules agissant comme intermédiaires dans la production des MMPs ainsi que dans leur activité, en réponse aux fluctuations hormonales. C'est un travail complexe et minutieux, explique Patrick Henriet : « Le contrôle du cycle menstruel est très complexe. Des dizaines de gènes sont impliqués, produisant de nombreuses protéines qui interagissent les unes avec les autres. Si un composé échoue, un autre prend le relais. Et vu que le cycle menstruel est si important, on observe de nombreuses redondances. »

En résolvant progressivement ce puzzle compliqué, les chercheurs espèrent trouver de nouveaux points de départ pour développer de nouvelles thérapies.

Un nouveau facteur identifié dans la sphérocytose héréditaire

Les globules rouges ont normalement une forme biconcave (comme un donut). Cela les rend capables de se déplacer et se déformer dans les petits vaisseaux sanguins. Chez les personnes atteintes de sphérocytose héréditaire, les globules rouges perdent leur biconcavité et adoptent une forme sphérique. Ces globules rouges (appelés sphérocytes) sont plus fragiles et moins fonctionnels que les globules rouges biconcaves. Ils sont donc rapidement détruits et ne peuvent plus nourrir les tissus. La sphérocytose provoque ainsi une pénurie de globules rouges sains (anémie). Les patients peuvent souffrir de jaunisse, de fatigue et d’essoufflement. Dans les cas très graves, cela peut même mettre la vie en danger. Outre la transfusion sanguine, la splénectomie (ablation de la rate) est une intervention thérapeutique courante.

« Le mécanisme par lequel la splénectomie améliore la déformation des globules rouges est largement inconnu », dit la Pre Donatienne Tyteca. « Nous avons donc comparé les globules rouges de patients atteints de sphérocytose avec et sans rate avec ceux de personnes saines pour une série de paramètres. » Les chercheurs ont mis en évidence la présence anormale d’un groupe de protéines appelées septines dans les globules rouges des patients atteints de sphérocytose. Les septines sont un composant du cytosquelette, le réseau de protéines qui donne forme et structure aux cellules. Ils ont également découvert que les taux de septine sont diminués chez les patients ayant subi une ablation de la rate.

Le groupe de Donatienne Tyteca : Assis de gauche à droite : Juliette Vanderroost, Mauriane Maja ; Debout de gauche à droite: Donatienne Tyteca, Amaury Stommen, Marine Ghodsi, Anne-Sophie Cloos (contributrice principale de cette étude), Jawad Tarfouss et Patrick Van Der Smissen.

Les résultats indiquent que les septines représentent un nouveau contributeur à la physiopathologie de la maladie. Leur présence et leur rôle dans les globules rouges des patients atteints de sphérocytose n'avaient pas été identifiés auparavant. L’équipe cherche actuellement à comprendre comment les septines affectent les propriétés des membranes des globules rouges malades, afin de pouvoir proposer des nouvelles pistes de traitement. Les chercheurs ont également découvert que, tout comme les taux de septines, la grande majorité des paramètres de forme et de déformation des globules rouges malades sont largement restaurés par l’ablation de la rate. Cependant, un paramètre ne corrèle pas avec les taux de septines et reste anormal même après splénectomie. « Cela indique que l'ablation de la rate chez certains patients pourrait ne pas être utile. Les critères exacts devraient cependant être étudiés plus en détail », explique Donatienne Tyteca. Enfin les chercheurs ont montré que le processus de maturation des globules rouges est fortement affecté chez les patients après l’ablation de la rate, ce qui pourrait constituer une approche complémentaire d’intervention dans la sphérocytose héréditaire.

Ce travail a été réalisé en collaboration avec le service d’hématologie pédiatrique des Cliniques universitaires Saint-Luc et les plateformes de spectrométrie de masse, de génétique et de bioinformatique de l’Institut de Duve.

Christian de Duve : de l’ouverture de son premier laboratoire au prix Nobel, 1947 – 1974

L’originalité de sa thèse sur l’effet de l’insuline sur le foie et la cohérence de son travail permet à Christian de Duve de trouver des crédits importants pour démarrer en 1947 son laboratoire à Louvain. L’utilisation de centrifugation fractionnée que venait de mettre au point Albert Claude et les recherches de son équipe leur font découvrir une entité inconnue dans la cellule : le lysosome.

En 1962, il est invité par la Rockefeller University qui lui offre des conditions de travail idéal. Il y passera en moyenne 6 mois par an et 6 mois par an dans son laboratoire de Louvain.

En 1974, Christian de Duve reçoit le prix Nobel de médecine ou physiologie partagé avec Albert Claude et George Palade « pour leurs découvertes sur l’organisation structurelle et fonctionnelle de la cellule ». Ces découvertes fondent la biologie cellulaire et moléculaire moderne. La même année, il crée sur le site de l’UCL à Woluwé-Saint-Lambert l’ICP, rebaptisé en 2007 Institut de Duve, qu’il dirige jusqu’en 1991.

Une anecdote amusante 

En 1946, Ninon, la femme de Christian de Duve, assiste pour la première fois à la cérémonie de remise de prix Nobel en Suède, il faisait caillant et en attendant l’autobus pour aller à l’hôtel de ville, elle dit à son mari : « Si seulement j’avais un manteau de fourrure ». Ce dernier lui répond : « Tu auras un manteau de fourrure quand j’aurai le prix Nobel. ». Il n’a même pas 30 ans quand il lui fait cette promesse qu’il a honorée. Ce qui est drôle est qu’un journal suédois a intitulé son article en 1974 : « Elle a attendu 30 ans pour recevoir un manteau de fourrure. »

Baillet Latour Award pour Jingjing Zhu

La Docteure Jingjing Zhu a reçu, des mains de Sa Majesté la Reine Mathilde, le Baillet Latour Biomedical Award pour ses recherches sur de nouvelles stratégies destinées à améliorer l’efficacité de l’immunothérapie.

L’équipe de Jingjing Zhu a découvert que des médicaments utilisés jadis pour traiter l’hypertension pouvaient avoir un effet très intéressant pour lutter contre des formes de cancers qui résistent à l’immunothérapie. Ces médicaments agissent en effet sur les macrophages, un autre type de globules blancs dont le rôle est d’engloutir et de digérer les débris issus des agents pathogènes tels que les cellules cancéreuses, les microbes et les substances étrangères. En même temps, ces macrophages signalent aux lymphocytes T les anomalies qu’ils rencontrent, leur rôle de sentinelle déclenchant les réponses immunitaires. Cette nouvelle approche pourrait dès lors ‘doper’ le processus clinique d’immunothérapie, notamment pour les nombreux cas de cancers pour lesquels l’efficacité de ce traitement est encore limitée.

Le Baillet Latour Biomedical Award consacre chaque année, depuis 2022, 1 million d’euros à la recherche biomédicale en Belgique afin de soutenir pendant cinq ans la carrière de jeunes chercheurs et chercheuses prometteurs dans le domaine des sciences biomédicales.

[photo] Le Baillet Latour Biomedical Award a été remis par Sa Majesté la Reine Mathilde à Jingjing Zhu.

Lifetime Achievement Award pour Miikka Vikkula

Le professeur Miikka Vikkula a reçu le Lifetime Achievement Award in Lymphatic Research lors de la Gordon Research Conference on Lymphatics à Ventura, aux États-Unis. Le prix est décerné tous les deux ans par le Réseau d'éducation et de Recherche Lymphatique (LE&RN).

Le LE&RN-GRC Lifetime Achievement Award vise à honorer une personne qui a consacré sa vie entière à des réalisations exceptionnelles dans le domaine de la lymphologie. Depuis près de 30 ans, le laboratoire de Miikka Vikkula étudie les anomalies vasculaires, parmi lesquelles les malformations lymphatiques et le lymphœdème. Le groupe a identifié les causes génétiques et les mécanismes moléculaires de plusieurs de ces troubles, ce qui a conduit à la conception de nouveaux traitements.

[photo] William Repicci, président de LE&RN (à droite) et Miikka Vikkula (à gauche).

Soirée de gala

Le gala aura lieu le jeudi 10 octobre au Dome Event Hall, Boulevard de Lambermont 1, 1000 Bruxelles. Pour réserver vos places ou vos tables, veuillez contacter Isabelle de Duve : philanthropy@ deduveinstitute.be

20 km de Bruxelles

Bravo à nos 107 coureurs et marcheurs qui ont pris part aux 20 km de Bruxelles ! C'était une journée vibrante de sportivité et de solidarité. Merci à toutes celles et ceux qui les ont généreusement encouragés. Et un grand merci à nos sponsors de l'édition 2024 : Dolfin, Kasana, Tao et Brugse Zot.

Votre participation et votre générosité sont inestimables pour nous.