Un couple de chercheurs belges récompensé pour ses travaux sur les maladies incurables
Le Prix international Gagna & Van Heck pour les maladies incurables est décerné pour la première fois à une équipe belge.
Ce jeudi 14 décembre, le gouvernement wallon a élevé Anabelle Decottignies au rang d’Officier du Mérite wallon pour la recherche qu'elle mène "depuis 15 ans sur les mécanismes des cellules cancéreuses qui leur permettent d’acquérir la «jeunesse éternelle» qui leur permet de se diviser sans limite".
La recherche
Le groupe d’Anabelle Decottignies s’intéresse depuis une quinzaine d’années aux télomères, des structures spécialisées qui se trouvent à l’extrémité de chacun de nos chromosomes. Les télomères sont qualifiés d’horloges biologiques, car la «jeunesse» de nos cellules dépend en grande partie de l’état de nos télomères. Plus nous avançons en âge et plus nos télomères s’usent, entraînant de ce fait le vieillissement de nos cellules et la perte des capacités de renouvellement des tissus, ce qui se traduit, par exemple, par une baisse de l’immunité ou de l’efficacité de cicatrisation. Ces mécanismes de vieillissement cellulaire ont néanmoins un effet protecteur car, en limitant les divisions cellulaires, ils présentent un obstacle au développement de tumeurs. Malgré tout, le cancer existe et le risque d’en souffrir augmente avec l’âge. A la fin du siècle passé, cet apparent paradoxe a été résolu par la démonstration que les cellules cancéreuses parviennent à s’assurer une «jeunesse éternelle» en réactivant des mécanismes embryonnaires de maintien des télomères, endormis dans nos cellules adultes. Ces découvertes majeures ont été récompensées par le Prix Nobel de Médecine en 2009.
Des travaux réalisés par le laboratoire d’Anabelle Decottignies et, de façon concomitante, par le groupe du Pr Roger Reddel à Sydney, ont permis de montrer que, pour certains cancers qui touchent notamment les enfants, comme le neuroblastome ou le mélanome, le processus est différent puisque, dans ces situations, le cancer semble pouvoir se développer à partir de cellules qui présentent des télomères très longs et n’ont dès lors pas le besoin de réveiller ces mécanismes embryonnaires de maintien des télomères, facilitant de ce fait le processus tumoral. Ces découvertes prennent toute leur importance dans le contexte des thérapies anti-tumorales qui espèrent cibler cette immortalité cellulaire car, dans ces cas particuliers, de tels traitements s’avèreront inefficaces.
Outre cette découverte qui révolutionne le concept d’immortalité cellulaire de la cellule tumorale, le groupe d’Anabelle Decottignies a récemment démontré, en collaboration avec l’équipe de Marc Francaux et Louise Deldicque (UCL), que l’exercice physique pouvait directement impacter sur les télomères en stimulant la production d’ARN non-codants protecteurs. Ces découvertes suggèrent que l’exercice physique pourrait avoir un effet protecteur contre la perte de capacité de renouvellement des tissus avec l’âge. Le groupe d’Anabelle Decottignies s’est également spécialisé dans l’étude d’un mécanisme -dit alternatif- de maintien des télomères, actif dans certaines tumeurs comme les sarcomes et distinct du mécanisme embryonnaire. La compréhension de ce mécanisme alternatif de maintien des télomères offre de nouvelles perspectives intéressantes en thérapie anti-tumorale.
La distinction
Le Mérite wallon est remis annuellement par les autorités wallonnes depuis 2011. Il distingue "toute personne, physique ou morale, dont le talent ou le mérite fait honneur à la Wallonie dans une mesure exceptionnelle et contribue à son rayonnement". Il comporte quatre rangs, en fonction de l'ampleur ou du degré de confirmation du mérite distingué : médaillé, chevalier, officier et commandeur.