Un couple de chercheurs belges récompensé pour ses travaux sur les maladies incurables
Le Prix international Gagna & Van Heck pour les maladies incurables est décerné pour la première fois à une équipe belge.
Actualités
Dans de nombreuses maladies génétiques, les traitements ne ciblent pas directement la cause (on ne peut pas encore corriger les gènes malades, et bien rares sont les proteines déficitaires que l’on peut remplacer) mais les conséquences, souvent complexes. Il faut donc d’abord comprendre les mécanismes des dérèglements et identifier une cible cruciale. L’équipe de Christophe Pierreux et Pierre Courtoy a identifié une telle étape cruciale dans la progression de la cystinose infantile, une maladie génétique supprimant l’export lysosomial d'un acide aminé particulier, la cystine. La cystine s’accumule alors dans les lysosomes et y forme même des cristaux. Tout ceci perturbe les cellules et in fine la structure et la fonction des reins, les premiers organes touchés dans la cystinose.
Suite à leur étude des étapes précoces de la maladie (Gaide Chevronnay et al., J Am Soc Nephrol, 2014), les chercheurs ont suggéré que la cystine qui s’accumule dans les reins devait provenir de la capture par endocytose puis la digestion lysosomiale de protéines plasmatiques filtrées. La forme globulaire de celles-ci est en effet stabilisée par des liens intramoléculaires appelés ponts disulfures, source de cystine. Endocytose et protéolyse sont particulièrement actives dans les reins. Cette interprétation prédisait que toute intervention pouvant bloquer cette capture devait protéger les reins. Une manipulation génétique artificielle (excision de la mégaline, récepteur qui alimente l’endocytose dans les reins), réalisée chez une souris-modèle reproduisant la cystinose, a permis aux chercheurs de bloquer l'accumulation de cystine et de protéger la structure des reins de ces souris (Janssens et al., J Am Soc Nephrol, 2019).
Ces résultats ouvrent la voie à une nouvelle thérapie potentielle de la cystinose : inhiber la mégaline par une supplémentation diététique par des acides aminés naturels dibasiques (populaires chez les body-builders). Les premiers essais de cette approche thérapeutique chez la souris cystinotique sont prometteurs.
Christian de Duve, découvreur du lysosome et père de l’endocytose, aurait sans doute aimé voir exploiter ses deux « enfants » pour protéger des patients.
Article décrivant cette recherche
Janssens V, Gaide Chevronnay HP, Nevo N, Vincent MF, Marie S, Vaino S, Nielsen R, Christensen EI, Jouret F, Antignac C, Pierreux CE*, Courtoy PJ*. (*, equal senior authors).
J Am Soc Nephrol (2019). 30 (11) 2177-2190 doi: 10.1681/ASN.2019040371